Dictionnaire IMPERTINENT des relations sociales Lettre H
Heures de délégation
En tapant tout simplement « heures de délégation » sur internet ou sur chatGPT des dizaines de pages proposent un simple rappel du code du travail sur le nombre, l’utilisation et aussi la possible contestation par l’employeur de la prise de ces heures. Des analyses très juridiques mais rien, strictement rien sur les réels enjeux de ces heures sur le dialogue social dans les entreprises.
Je ne souhaite pas aborder ici, les questions d’abus qui peuvent être réelles dans certains cas mais le fond du débat n’est pas à mon avis celui-ci.
Tout d’abord, la question du volume des heures est souvent le point central d’une négociation : rester au nombre proposé par le code du travail ou obtenir plus dans un accord de droit syndical ?
Le nombre d’heures négocié par mandat semble pour les acteurs syndicaux étroitement lié à une justification de leurs actions au sein des instances ou des organisations syndicales dans les entreprises. « Plus on a d’heures plus on est efficace m’a dit un jour une déléguée syndicale ». J’en doute.
En miroir, les discours des leaders syndicaux corrèlent souvent la baisse de leur légitimité à la baisse des moyens. Ainsi, la réponse simple pour être plus reconnus serait de demander plus de moyens.
Sophie BINET sur France Inter le 17 avril dernier, pour répondre à la journaliste sur la baisse de la syndicalisation, a dégainé immédiatement l’argument « moyens », « discrimination » en demandant au gouvernement de faire quelque chose…
Raisonner ainsi, évite de se poser les vraies questions du pourquoi ça ne fonctionne pas si bien et ne rend pas service aux élus de terrain.
Par ailleurs, DRH ou managers s’aperçoivent que les heures ne sont pas toutes prises et qu’un nombre limité d’élus les utilisent totalement.
A la différence des positions confédérales purement politiques certains élus se posent les questions de la bonne utilisation de leurs heures, de la réalité du travail en équipe entre élus, de la répartition des tâches par exemple dans un CSE alors que le/la secrétaire est débordée ? Il/elle se plaint « en off » que les élus arrivent en réunion sans avoir pris connaissance des documents ? Ce sont les mêmes qui ne prennent jamais la parole dans les instances, qui « semblent dépasser » par les sujets (vue de notre position de DRH) mais personne ne pose vraiment le problème de peur de froisser ou de remettre en cause le statut d’élu.
Ce n’est pas ici non plus de pointer des responsables.
Aussi depuis quelques temps, de nombreux élus sont réellement mal à l’aise face à la tension sur les postes de travail. Choisir entre partir deux jours en réunion de CSEC ou assurer son travail surtout lorsqu’il s’agit de services à la personne par exemple est compliqué. Régulièrement, en réunion, les DRH/managers sont interpellés en rappelant la responsabilité de l’employeur de permettre aux élus de venir en réunion mais que faire lorsqu’un service est en sous-effectif par pénurie de candidatures ? Les élus sont majoritairement des professionnels soucieux de la qualité de leur travail.
Si ces élus décident néanmoins de venir à la réunion, les collègues sont surchargés et ne comprennent pas leur absence et surtout l’intérêt de ces réunions ! La légitimité du mandat est remise en cause et la boucle est bouclée.
Ainsi, la question des heures de délégation n’est-elle que la partie visible de l’iceberg du dialogue social qui ne répondrait pas aux attentes.
Alors que faire ?
L’idée du diagnostic sur le Dialogue social peut aider à se poser les bonnes questions pour que tous les acteurs jouent leur rôle si essentiel dans les entreprises. L’initiative revient à la direction après discussion avec les partenaires sociaux si elle souhaite mettre à plat le fonctionnement et la qualité du dialogue social.
Voir la lettre D de ce dictionnaire : diagnostic social
- Est-ce que le dialogue social répond aux attentes ?
- Est-ce que la question du renouvellement syndical est partagé par tous ? Comment attirer des jeunes professionnels à prendre des mandats ? C'est aussi le problème des entreprises.
Ce n’est pas en supprimant le nombre de renouvellements de mandat prévu dans un ANI dernièrement que le problème sera résolu ! On a le don de s’attaquer aux symptômes et non aux causes.
Le dialogue social risque encore plus de peser sur quelques personnes avec beaucoup d’heures de délégations et souvent un éloignement du terrain.
Arrêtons de discourir sur ce que devrait être un bon dialogue social !
« Le secret de l’action c’est de s’y mettre » le philosophe Alain.