Les émotions des salariés en entreprise (la déception, l’envie, la colère …) : enfin oser regarder les mécanismes sociaux qui les génèrent !
Dans la note de conjoncture sociale « Face à la crise politique et sociétale : l’entreprise saura-t-elle reprendre la main ? » présentée en octobre/ novembre à de nombreux DRH, DRS, DG, branche professionnelle j’évoque des sujets qui interrogent le rôle de l’entreprise.
A travers 3 posts que je publierai chaque vendredi jusqu’aux fêtes, j’évoquerai trois thématiques qui me semblent importantes de partager et que j’ai développé dans la note.
N’hésitez pas à me contacter pour intervenir dans vos entreprises. Le format est d’1h15 avec débat devant des réseaux RH, des séminaires de managers ou en CODIR.
Le dernier sondage « Fractures Françaises de 2025[1] » le confirme encore cette année. L’entreprise et plus particulièrement les petites entreprises ont la confiance des salariés (82%) alors que les autres institutions, partis politiques ou syndicats perdent encore des points en 2025.
Mais l’entreprise saura-t-elle être à la hauteur de cette confiance accordée pour apporter du temps long bienvenu dans ces temps d’incertitudes politiques ?
L’entreprise n’est pas non plus un îlot préservé au milieu de la mer agitée. Ses frontières ne sont plus étanches et les malaises que ressentent les citoyens se retrouvent dans l’entreprise sous d’autres formes. Les alertes RPS, les arrêts maladie sont-ils des signes qui peuvent montrer qu’il existe des revendications sociales implicites qui ne trouvent plus leur expression y compris dans les mobilisations syndicales ?
Eva Illouz, sociologue reconnue qui travaille beaucoup sur les émotions, refuse de voir dans les souffrances psychologiques des causes exclusivement liées aux individus qui seraient fragiles ou instables.
Son approche sociologique et non psychologique est intéressante pour les professionnels en entreprise, car pour elle, ces troubles, ces émotions exacerbées (déception, colère, envie…) relève de mécanismes sociaux.
Tentons de transposer les travaux de la sociologue en entreprise. Au cours des diagnostics sociaux réalisés ces derniers mois, j'ai constaté que la cause des difficultés des salariés, des conflits entre eux ou avec le management a presque toujours une origine dans le travail concret. Travail mal pensé, travail mal organisé, salariés laissés seuls face à des dysfonctionnements (process, outils non aboutis, absence de prise en compte de l’ergonomie du travail en phase de conception).
Les enquêtes RPS que j’ai pu mener ou observer dans mes derniers postes de DRH relevaient souvent de ces « flous » dans les organisations ou dans l’absence de prise de décisions qui aboutissait à des tensions, parfois des exaspérations voire des violences.
Mais au fait, quels sont les acteurs aujourd’hui en charge de l’organisation du travail ? la résolution des dysfonctionnements ? les managers ? Ils sont souvent bien trop occupés à changer les plannings, chercher des remplaçants, essayer de recruter, s’occuper d’un quotidien qui prend toute la place, passer du temps à faire fonctionner un outil de gestion de l’activité ou du temps défaillants ou de tableaux de reporting qu’il faut rendre impérativement.
Aussi, je prendrai l’exemple des dysfonctionnements qu’engendre les difficultés de recrutement dans les postes à tension. Le candidat « rare » impose souvent ses propres conditions (désirs) ce qui entraîne non seulement une réelle iniquité dans les rémunérations mais aussi et surtout dans les conditions de travail et d’exercice du travail. Accepter les souhaits variés des candidats engendre encore plus de dysfonctionnements car la somme de ces désirs individuels éloigne encore plus « du vivre ensemble ou faire équipe au service de l’activité ». Même une politique QVCT ne pourra à elle seule difficilement remplacer l’absence de cadre clair.
J'ose à peine évoquer des exemples comme remettre au centre le patient lorsque les soignants se font rares et que ceux-ci imposent leurs organisations personnelles et familiales voire si un manager refuse de répondre à un simple désir de l’un ou de l’autre va se retrouver avec l’arrêt maladie qui mettra encore plus en péril la continuité de service.
Alors que faire ?
Seul UN CADRE avec des règles non négociables, connues de tous et surtout portées par le plus haut niveau de l’entreprise pourrait aider ces managers souvent dépassés par ce que l’organisation fait peser sur leurs épaules.
Certaines organisations sont conscientes qu’il est urgent d' avoir une démarche systémique….longue et certainement complexe à mettre en place… mais y aller est le gage de ne pas exploser !
Prendre le sujet par un bout comme celui de l’organisation du travail et encore plus spécifiquement celui du temps du travail est une possibilité.
J’accompagne une organisation et ses dirigeants et j'ai animé 4 séminaires avec des managers, des RH et les organisations syndicales ensemble pour faire un constat commun et dépasser les postures… 1ère étape réussie. 2ème étape, lancer des candidatures d’expérimentations avec des managers volontaires pour poser des cadres et lancer une négociation collective au service des expérimentations.
Une démarche de négociation inversée qui m’est chère… du dialogue social basé sur le réel…rien d’autre…
La nouvelle Conférence sociale qui s’ouvre, la fameux conférence TER selon les bons mots de notre ministre du travail ( Travail, Emploi, Retraite)…va encore débattre sur ces sujets... mais permettez-moi de douter d'une telle grande messe (18 réunions sur le conclave en début d’année, pour quels résultat !) Du dialogue social institutionnel...à suivre...
[1] Enquêtes et sondages IPSOS/BVA «fractures françaises2025 »
